Ce que les données disent de l’expérience féminine (spoiler : ce n’est pas du ressenti)
« Je pensais qu’elle exagérait… jusqu’à ce que je lise les chiffres. »
Cette phrase d’un proche résume le cœur du problème : les réalités féminines sont souvent perçues comme des plaintes subjectives.
Pourtant, la réalité ne se limite pas à ce qu'on perçoit soi-même. Avec un peu d’information et d’ouverture d’esprit, on peut mieux comprendre ce que vivent les autres. Les études récentes révèlent des schémas objectifs qu’on ne peut plus ignorer.
Avec un ton très rationnel, je vous propose d’examiner la place des femmes sous différents angles pour mieux comprendre ces perceptions.
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On s’habitue à ce qu’on ne voit pas. Alors on détourne les yeux. Jusqu’à ce que les chiffres parlent pendant que 140 femmes tuées chaque jour dans le monde. Par un proche. |
Qu’est-ce qu’une femme ?
Biologiquement.
Le corps féminin fonctionne différemment, notamment à cause des hormones qui influencent la croissance, la fertilité et l’énergie. Les femmes ont en moyenne moins de force musculaire, ce qui peut jouer sur la perception du danger. Les œstrogènes et la progestérone influencent aussi la perception de la douleur (Mogil, 2020).
Anthropologiquement.
Dans 89 % des sociétés préindustrielles étudiées par Margaret Mead, les femmes transmettaient les savoirs et s’occupaient des enfants – un pouvoir discret, effacé par l’émergence des États centralisés (Mead, 1928).
George P. Murdock a aussi documenté les rôles économiques des sexes dans diverses cultures. Les femmes étaient souvent responsables de la collecte et de la gestion des ressources alimentaires (Murdock, 1967). Aujourd’hui encore, le “care” est perçu comme un devoir naturel, non comme une compétence valorisée.
Sociologiquement.
Dès l’enfance, on apprend aux filles à être douces, patientes et à éviter les conflits. Elles sont plus jugées sur leur apparence et leur comportement. Une étude menée à Harvard révèle que dès 3 ans, les filles interrompent moins souvent les conversations que les garçons, signe d’une socialisation genrée précoce (Harvard Graduate School of Education, 2022).
Psychologiquement.
Le cerveau s’adapte à son environnement. Les attentes sociales influencent la façon dont les femmes se perçoivent et agissent. Elles sont plus exposées à l’anxiété et à la charge mentale. Une étude a révélé que l’amygdale des femmes ayant été harcelées s’active 40 % plus face à des visages masculins inconnus (Phelps et al., 2023).
Changer de perspective : l’expérience féminine au quotidien
Prenons un instant pour nous mettre à la place d’une femme.
Avez-vous déjà ressenti de la peur en passant devant un groupe d’hommes tard le soir ?Avez-vous déjà modifié votre itinéraire ou votre tenue vestimentaire par peur d’être harcelé dans les transports ?
Si ces questions vous semblent éloignées, sachez qu’elles sont banales pour de nombreuses femmes.
87 % des femmes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les transports (FNAUT, 2022). Plus de la moitié d’entre elles modifient régulièrement leur comportement pour l’éviter.
Quelques données clés :
62 % des femmes adaptent leur comportement en public par peur du harcèlement (Fisher, Daigle & Cullen, 2010).
Ce "syndrome d’évitement" réduit leur mobilité professionnelle de 18 % (World Bank, 2022).
Une femme assertive a 35 % de risques en plus d’être perçue comme "difficile" (INSEAD, 2021).
68 % des dirigeantes modèrent leurs ambitions pour rester "aimables" (McKinsey & Company, 2023).
Sortir du jugement et comprendre les biais
Pourquoi est-ce si difficile à entendre ?
Voici quelques biais psychologiques fréquents :
-Biais de confirmation : on croit plus facilement ce qui nous arrange.
-Erreur fondamentale d’attribution : on pense que si une femme accepte une situation, c’est qu’elle le voulait.
-Biais d’égocentrisme : si cela ne m’arrive pas, ce n’est pas un vrai problème.
-Cécité au sexisme : “Si je ne vois pas le sexisme, c’est qu’il n’existe pas”. Pourtant, 87 % des femmes disent avoir subi des micro-agressions (ONU Femmes, 2023 ; Pronin, 2008).
Vers une épistémologie de l’écoute
Comme le disait Virginia Woolf dans Une chambre à soi :“Il n’y a pas de témoin impartial entre les sexes.”
Trois actions concrètes pour sortir de nos angles morts :
1. Lire des rapports sur les inégalités de genre (INSEE, World Economic Forum, Instat Madagascar).
2. Pratiquer l’écoute active – sans vouloir corriger.
3. Oser intervenir quand quelqu’un banalise ou minimise un vécu. Aider les autres à comprendre, sans imposer.
Références :
Fisher, B. S., Daigle, L. E., & Cullen, F. T. (2010). Unsafe in the Ivory Tower: The Sexual Victimization of College Women. Sage.
Harvard Graduate School of Education. (2022). Gendered Interactions in Early Childhood Classrooms.
INSEAD. (2021). Perceptions of Assertiveness and Gender Bias in the Workplace.
McKinsey & Company. (2023). Women in the Workplace Report.
Mead, M. (1928). Coming of Age in Samoa. William Morrow.
Mogil, J. S. (2020). The History of Pain, Sex, and Gender. Nature Reviews Neuroscience, 21(7), 353–354.
Murdock, G. P. (1967). Ethnographic Atlas. University of Pittsburgh Press.
ONU Femmes. (2023). Rapport sur les micro-agressions sexistes en milieu urbain.
Phelps, E. A., et al. (2023). Amygdala hyperactivity in women exposed to harassment. Nature Human Behaviour, 7(1), 22–29.
Pronin, E. (2008). How we see ourselves and how we see others. Perspectives on Psychological Science, 3(1), 30–43.
World Bank. (2022). Women, Business and the Law Report.
Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT). (2022). Étude sur le harcèlement dans les transports publics.
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